Articles
2021

Aublé & Associés vous propose une première analyse des conséquences de la crise liée au COVID-19 sur le marché du M&A.

FLASH M&A

Compte tenu de la crise sanitaire actuelle liée au COVID-19, les fusions-acquisitions, peu importe leur stade de réalisation, sont affectées. Du coté des acquéreurs, ceux-ci envisagent la possibilité de mettre fin aux opérations qui n’ont pas encore été réalisées ou d’en modifier substantiellement le déroulement et la négociation. Coté vendeurs, il s’agira de s’assurer que l’opération sera bien réalisée, quitte parfois à accorder certaines concessions. De manière plus générale, cette crise sanitaire et économique aura très certainement un impact à long terme sur la manière dont les opérations de M&A seront négociées. 

Sont exposées ci-dessous les principales difficultés et mécanismes juridiques à mettre en œuvre :

L’audit (due diligence)

2 éléments : sur la forme, la collecte des informations est rendue plus difficile et sur le fond, il conviendra de prêter particulièrement attention à certains points. Ainsi la phase d’audit sera impactée à deux égards.

  • Sur la forme : l’acquéreur lorsqu’il va mener son audit, sera confronté aux difficultés pratiques rencontrées par le vendeur pour rassembler les différentes informations. Par ailleurs, il n’est plus question, à l’heure actuelle, d’organiser les visites sur site ou des rencontres avec le management sauf en recourant à des moyens vidéos qui restituent seulement partiellement l’exhaustivité d’échanges en-tête à-tête.
  •  Sur le fond : les acquéreurs devront prêter attention à certains éléments, aujourd’hui davantage qu’en temps normal. Ainsi, certains sujets, déjà revus habituellement, doivent être traités à la lumière de la crise actuelle. C’est le cas notamment des sujets financiers (impact sur la trésorerie, les résultats et l’accès au financement), des fournisseurs (capacité des fournisseurs à poursuivre leur activité, clauses particulières dans les contrats fournisseurs), clients (délais de paiement, clauses particulières), contrats (clauses de force majeure ou d’imprévision et « MAC clauses »), ressources humaines (possibilité de télétravail ou non, santé des employés), IT (capacité de mettre en place le travail à distance, robustesse du réseau informatique), etc. Il conviendra aussi, lors de l’étude de la chaine d’approvisionnement, d’être attentif aux zones géographiques, au cas où certains pays représenteraient une part conséquente des sources d’approvisionnement.

Le contrat de cession (Share Purchase Agreement)

Dans le contexte actuel, les clauses suivantes seront particulièrement importantes :

  • Les conditions suspensives à la réalisation de l’opération doivent préciser leur délai de satisfaction ainsi que les conséquences d’une non-réalisation (répartition des coûts) ;
  • La clause relative à la période intermédiaire entre le signing et le closing ne doit pas faire référence à une simple « gestion dans le cours normal des affaires » ou « en bon père de famille » et devra être adaptée pour tenir compte du fait que les autorités règlementaires pourront prendre plus de temps pour examiner les dossiers compte tenu du changement de l’environnement de travail ;
  • Ajout de clauses relatives à des événements particuliers, telles qu’une clause de force majeure ou une clause relative à l’imprévision et une « MAC clause », afin de couvrir spécifiquement le COVID-19 et ses conséquences (cf. plus bas) ;
  • Les clauses de prix devraient majoritairement prévoir un mécanisme d’ajustement de prix (earn-out) plutôt que des clauses de locked box, pour prémunir les acquéreurs en cas d’événements graves sur le marché entre signing et closing et afin de prendre en compte les fluctuations en termes de besoin en fonds de roulement, de dette et de trésorerie ; et
  • Les déclarations et garanties (Representations & Warranties) devraient être impactées sur de nombreux sujets susceptibles de donner lieu à la négociation d’exceptions (absence de changement significatif, clients et fournisseurs, ressources humaines, etc.). Ce type de discussions risque de devenir encore plus difficile à l’avenir, les acquéreurs voulant davantage de couverture au closing.

La question du recours à la force majeure et / ou l’imprévision

A coté des conditions suspensives et des MAC clauses évoquées plus haut, la force majeure constituera un élément classique permettant de mettre fin à une transaction qui n’a pas encore été menée à son terme :

  • Pour que la force majeure (tel que définie à l’article 1218 du Code civil) soit retenue, il est nécessaire que soit réunis les critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité. S’agissant du premier critère, l’événement ne doit pas pouvoir être raisonnablement prévu, à la date de conclusion du contrat. Il se révèlera ici particulièrement difficile de déterminer à partir de quel moment peut-on considérer que le COVID-19 pouvait être connu et impacter le contrat. Concernant le second critère, l’irrésistibilité, Il faudra démontrer que le coronavirus justifie une incapacité totale d’exécuter son obligation sans pouvoir prendre aucune « mesures appropriées » de remplacement, cet élément semble donc également complexe à prouver. Enfin, dans le cas où la force majeure pourrait être retenue, celle-ci, par principe, suspend l’exécution du contrat mais ne fait pas disparaître définitivement l’obligation de l’exécuter, à moins que « le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat ».
  • Pour ces raisons, l’utilisation de l’imprévision (telle que définie à l’article 1195 du Code civil) parait plus adéquate. Il ne s’agit plus ici d’une imprévisibilité absolue mais d’un « changement de circonstances imprévisible » ce qui apparait évident s’agissant du COVID-19. Par ailleurs, si l’imprévision ne permet qu’une « renégociation » du contrat avec une obligation de poursuite, elle peut être l’étape précédant la résolution ou le recours au Juge. 

Divers

  • Timing : les parties doivent nécessairement tenir compte du retard induit par la crise actuelle ce qui implique, pour l’acquéreur, d’obtenir une période d’exclusivité plus longue ou de la faire allonger.
  • Renforcement du contrôle des investissements étrangers en France (les Etats craignent en effet que la baisse des cours de bourse donne de mauvaises idées aux acquéreurs étrangers et veilleront donc au grain en la matière).
  • Sans surprise, les transactions qui devraient « avoir la côte » prochainement seront liées aux domaines pharmaceutiques, de la distribution alimentaire, et de l’énergie.
  • S’agissant des transactions qui interviendront prochainement, une large partie devrait être qualifiée de distressed M&A et auront pour effet la consolidation de certains secteurs.
Back to top